Vivre dans un monde de violence

Par Michel SCHNEIDER

La violence fait partie intégrante de notre société. Elle envahit nos foyers, nos écrans, nos établissements scolaires, nos banlieues, nos institutions… et, hélas, parfois, nos églises.

Ici, c’est un adolescent de 15 ans qui succombe après avoir été poignardé dans un village paisible. Là, c’est une collégienne de 13 ans qui met fin à ses jours, victime de harcèlement à l’école et sur les réseaux sociaux. Ailleurs, c’est une femme qui meurt sous les coups portés par un conjoint. La violence ne connaît ni âge, ni genre, ni condition sociale.

À l’échelle internationale, les conflits armés génèrent des traumatismes collatéraux considérables. En RDC, par exemple, le Dr Mukwege, prix Nobel de la paix en 2018, s’indigne de l’utilisation du viol comme arme de guerre et alerte sur le sort des enfants enceintes.

Oui, nous vivons dans un monde de violence et cela nous afflige. Au vu de l’histoire, celle-ci n’est pas forcément en augmentation, mais elle est rendue plus palpable à travers les supports de communications et les réseaux sociaux.

Quel regard porter sur la violence, en tant que chrétien ? Quelle est son origine, et qu’est-ce qui la motive ? La Bible a-t-elle des choses à nous dire à son sujet ? Comment pouvons-nous y faire face ?

La violence, qu’est-ce que c’est ?

L’étymologie, du mot latin violentia, renvoie à l’utilisation de la force. L’Organisation Mondiale de la Santé la définit comme étant « l’usage délibéré de la force physique, de menaces à l’encontre des autres ou de soi-même, contre un groupe ou une communauté, qui entraîne ou risque fortement d’entraîner un traumatisme, des dommages psychologiques, des problèmes de développement ou un décès« .

La violence a beaucoup de visages. Qu’elle soit physique, verbale, psychologique, sexuelle, elle est une atteinte à l’intégrité de la personne, une intention de contraindre, de dominer, de détruire. Elle est souvent présentée comme une réaction incontrôlée, alimentée par la peur, la colère, la jalousie, la haine de l’autre, le désespoir, la frustration, la rébellion.

Que dit la Bible à propos de la violence ?

La Bible regorge de violence. Elle ne la cache pas. Ce n’est pas étonnant, puisqu’elle parle de notre monde, ainsi que de nous-mêmes. Elle donne la parole à ceux qui la subissent et en souffrent. Elle donne également la parole à ceux qui la commettent. Elle la dénonce. La Bible tempère la violence en dispensant des lois afin de la prévenir, de la circonscrire, de la juger et de la punir.

Le décor est planté dès les premières pages du livre de la Genèse :

« La terre était corrompue devant Dieu, elle était pleine de violence. » (Genèse 6/11).

Le prophète Jérémie s’en désole :

« Il n’y a que violence sur la terre. » (Jérémie 51/46).

Ce n’est donc pas un phénomène nouveau.

L’origine de la violence

La violence fait son apparition lorsqu’Adam et Eve veulent se faire les égaux de Dieu. User de violence, c’est souvent vouloir prendre la place de Dieu. C’est vouloir se venger, se faire justice soi-même, obtenir par soi-même la réparation de quelque chose, en estimant avoir été lésé et être dans son bon droit. Depuis lors, la violence et ses mécanismes se trouvent inscrits en nous, affectés que nous sommes par le péché originel.

Jésus pointe vers la racine du problème :

« En effet, c’est de l’intérieur, c’est du cœur des hommes que sortent […] les meurtres, […] les méchancetés, […] la folie. » (Marc 7/21-22).

Nous portons tous en nous une part de folie, une inclination au mal. C’est la raison pour laquelle la violence ne peut être complètement supprimée dans cette vie.

L’histoire de Caïn et Abel est une autre illustration de violence. Caïn se jette sur son frère et le tue. Comme s’il n’avait pas d’autre moyen de s’exprimer, face à son frère, que par la violence. Mais pour s’exprimer différemment, il faudrait avoir appris à communiquer. La fin de l’histoire montre que la violence, loin d’être une solution pour se débarrasser de la colère, génère au contraire d’autres souffrances dévastatrices. Les conséquences de tels comportements sont sous nos yeux en permanence. Ce sont des drames familiaux, des vies gâchées, des morts, des populations déplacées, des enfants qui ne sont plus scolarisés, des naufragés, des réfugiés, etc.

Comment, en tant que chrétien, réagir face à la violence ?

Le Nouveau Testament présente Jésus comme un modèle de non-violence évangélique. Il a pris sur lui la violence sans la commettre. Il dira :

« Vous avez appris qu’il a été dit : œil pour œil et dent pour dent. Mais moi je vous dis de ne pas résister au méchant. Si quelqu’un te frappe sur la joue droite, présente-lui aussi l’autre… » (Matthieu 5/38-40).

Cette parole, qui a fait couler beaucoup de salive en faisant passer les chrétiens pour des naïfs, n’est pas à appliquer à la lettre, sans intelligence ni réflexion. C’est avant tout un état d’esprit. Jésus cherche à nous faire sortir de la logique de la violence. Si nous étions témoins d’une mise en danger de la vie d’autrui, ce serait criminel de ne pas réagir, sous prétexte de refuser toute violence. Certaines violences réclament une réaction de notre part et nécessitent, selon les circonstances, un recours en justice.

Jésus refuse toute attitude, tout geste qui porte atteinte à la vie ou à la dignité des hommes, même à l’égard de ceux qui se conduisent en ennemi.

« Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu détesteras ton ennemi. Mais moi je vous dis : aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous détestent et priez pour ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent, afin d’être les fils de votre Père céleste. » (Matthieu 5/43-45).

Aimer, bénir, faire du bien, prier, tout un programme pour désamorcer la violence !

La non-violence évangélique n’est pas la résignation ou le refus du conflit. Jésus n’a pas dit « n‘ayez pas d’ennemis » mais « aimez vos ennemis ». Il s’est mis en colère, en chassant les vendeurs du temple de manière énergique, mais il n’a détruit personne.

L’amour, antidote de la violence

C’est par amour que Christ est mort sur la croix, pour le salut de l’humanité. Dieu soigne la violence par la violence. Jésus est sacrifié dans une férocité physique, verbale, psychologique et spirituelle extrême. Il expose la violence humaine, s’oppose à la haine et à la vengeance, avec ce message :

« Père pardonne-leur car ils ne savent ce qu’ils font. » (Luc 23/34).

Il offre ainsi à tous la possibilité de sortir de l’engrenage de la violence, en faisant la paix avec Dieu, avec soi-même et avec les autres.

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