Le deuil périnatal : soutenir et accompagner les parents

Par David MASTRIFORTI, pasteur à Clamart, enseignant d’éthique familiale à l’ITB

Le deuil périnatal (1) est une épreuve douloureuse et souvent méconnue. Il laisse des traces indélébiles et confronte les parents à une perte insurmontable. Comment continuer à vivre alors après un tel drame ?

Il est essentiel de comprendre l’impact de cette souffrance et d’offrir un accompagnement bienveillant et respectueux à ceux qui traversent cette épreuve. Ces familles sont plus nombreuses qu’on ne le pense (2).

L’impact sur les parents

Perdre un enfant va à l’encontre du sens même de la vie. Les parents se retrouvent désemparés, amputés d’une partie d’eux-mêmes. Ils perdent non seulement un enfant à naître, mais aussi les rêves, les projets et les espoirs liés à cette nouvelle vie.

Que cette perte survienne lors d’une fausse couche, d’une mortinaissance (3) ou d’un décès néonatal, le vide ressenti est immense et profondément injuste.

Les émotions sont intenses : tristesse, colère, culpabilité et sentiment d’échec. Les mères ressentent un lien physique et émotionnel fort avec leur enfant, rendant la perte encore plus difficile à surmonter (4). Les pères peuvent se sentir isolés, leur chagrin étant parfois minimisé par l’entourage. On oublie trop souvent qu’eux aussi viennent de perdre un enfant (5). Comme l’explique le psychologue Christophe Fauré : « Il se voit immédiatement désigné, par l’entourage, comme celui qui doit prendre les choses en main : il est le protecteur, celui qui doit “assurer” et soutenir sa femme dans l’épreuve qu’elle traverse. Parfois, sans en avoir conscience, il se prive ou on le prive de l’aide et du soutien dont il a également besoin. Il ne pensera pas ou n’osera pas revendiquer l’écoute et l’attention qui lui sont nécessaires (6).” Cette différence dans le vécu du deuil peut créer des tensions au sein du couple.

Les frères et sœurs aînés perçoivent également la douleur de leurs parents et peuvent être profondément affectés par cette perte. Je me souviens d’une maman qui avait perdu son enfant à la naissance. Son fils Timothée, 4 ans, voyant sa mère submergée par le chagrin, lui dit avec une innocence touchante : « Dis, maman, pourquoi tu ne t’occupes plus de nous ? Tu sais, Thomas, il est mort, maintenant il est au ciel, ce n’est plus la peine de t’inquiéter. »

Pour un couple chrétien, cette épreuve soulève des questions spirituelles profondes. Pourquoi Dieu a-t-il permis cette souffrance ? Cette perte remet en question leur foi et leur confiance en la providence et l’amour de Dieu. Bien que douloureuses, ces interrogations peuvent aussi devenir une occasion de croissance spirituelle, les poussant à rechercher la présence de Dieu dans cette épreuve.

Accompagner les parents endeuillés

Accompagner un proche dans un deuil périnatal demande sensibilité et écoute. Voici quelques clés pour offrir un soutien adapté et bienveillant.

1 – Être présent et écouter sans juger

La présence et l’écoute sont les piliers de l’accompagnement. Les parents doivent se sentir entendus et compris, sans crainte d’être jugés. Offrez-leur l’espace pour exprimer leurs émotions, en évitant des phrases comme « C’est pour le mieux », ou « Vous allez avoir rapidement un autre bébé ! » qui minimisent leur souffrance. Comme si l’enfant perdu n’avait aucune importance.

2 – Reconnaître l’existence de l’enfant

Nommer l’enfant et encourager les parents à partager leurs souvenirs communs valide leur expérience et montre la place que cet enfant a dans le cœur à ceux qui les entourent.

En France, après 22 semaines de grossesse, un certificat de naissance peut être obtenu avec la possibilité d’inscrire l’enfant dans le livret de famille. Cet acte administratif avait aidé un couple que je suivais à faire son deuil.

Certains parents ont besoin d’organiser une cérémonie commémorative ou de créer un album de souvenirs pour honorer la mémoire de leur enfant et intégrer cette perte dans leur histoire familiale. D’autres vont se libérer de leur douleur en écrivant une lettre à cet enfant qu’ils n’ont pas connu.

3 – Respecter le rythme de chacun

Le deuil est un processus personnel. Certains parents auront besoin de parler de leur enfant, tandis que d’autres préféreront garder leur chagrin pour eux. Ne les pressons pas à aller « mieux ». Guérir de cette blessure prend du temps. Un soutien discret, comme un message ou de petites attentions, peut les aider à se sentir entourés sans être submergés.

La perte d’un enfant transforme un parent à tout jamais, le blessant au plus profond de lui-même. Avec le temps, le parent endeuillé retrouvera l’équilibre et réinvestira sa vie, se lancera dans de nouveaux projets et, éventuellement, envisagera d’avoir d’autres enfants, à condition d’être bien entouré et accompagné.

4 – Proposer un soutien spirituel

Enfin, dans un contexte chrétien, la prière et la lecture de textes bibliques peuvent réconforter. Rappelons à ces parents en deuil que Dieu est présent dans leur souffrance. Le psalmiste déclare :

« L’Éternel est près de ceux qui ont le cœur brisé. » (Psaume 34/18).

Dieu met des sources d’eau dans nos déserts (Ésaïe 43/19) et change nos deuils en allégresse, pour nous consoler (Jérémie 31/13).

Prier en famille ou en communauté et partager des passages bibliques les aideront à retrouver un sens à leur souffrance.

Nous envisageons, dans notre église, des groupes de parole et de soutien pour ceux qui ont vécu des traumatismes (7). Le deuil périnatal en fait partie. Ces groupes offriront un espace sécurisé et bienveillant, pour partager les mécanismes du deuil et des traumas et prier ensemble.

Conclusion : une épreuve qui appelle à la compassion

En tant que chrétiens, nous sommes appelés à être des instruments de consolation et d’espérance pour ceux qui traversent cette souffrance. Par notre présence, et notre soutien spirituel, nous aidons ces parents à avancer, pas à pas, sur le chemin de la guérison.

Je prie pour que se lève dans nos églises une armée de soutien, guidée par l’amour et équipée pour accompagner ces familles, en leur rappelant qu’elles ne sont pas seules et que leur enfant, bien que parti trop tôt, est aimé et attendu dans les bras de Dieu.


1 Il sagit du décès dun bébé entrainant un véritable traumatisme complexe chez les parents. Selon l’OMS, la mort périnatale peut survenir en cours de grossesse, à la naissance, dans les heures qui suivent ou durant les 7 premiers jours de vie. https://www.rpvm.fr/deuil-perinatal.

2 Même sil est faible, le taux de mortalité des enfants de moins dun an est de 4,1 pour 1 000 naissances vivantes par an, soit environ 2 500 décès annuels. On ne compte que les enfants in utéro de plus de 22 mois. https://www.insee.fr – Taux de mortalité infantile 2024.

3 La mortinatalité désigne les enfants nés sans vie après 6 mois de grossesse. Lorsque l’embryon ou le fœtus est expulsé ou extrait du corps de la mère avant le 6e mois de grossesse, il ne s’agit pas d’une mortinaissance, mais d’une fausse couche. https://www.ined.fr/fr/lexique/mortinatalite.

4 La mère se sent comme une mauvaise mère. La perte vient raviver des sentiments d’échec relationnel avec son conjoint ou avec sa propre mère. Le décès du bébé va jeter des doutes sur sa propre identité féminine, sur sa capacité à procréer un enfant sain, à être maternante.

5 Pour le père, même si la blessure est intense, elle est souvent déplacée dans le temps et fréquemment ressentie après une période de rationalisation ou de tentative d’explication du phénomène. Il a tendance à se murer dans le silence, seul moyen pour lui d’endiguer sa souffrance et ses peurs, d’autant plus que parfois le contexte culturel dans lequel il vit lui interdit de montrer sa souffrance, sans paraître inconsistant.

6 Christophe Fauré. Vivre le deuil au jour le jour. Albin Michel, 2012, Fauré, op.cit., p165.

7 La formation Aptes consiste à 9 sessions 2 week-ends intensifs. https://www.faceauxtraumatismes.org

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