La paternité : un équilibre divin pour la famille
Par David Mastriforti, pasteur à Clamart et enseignant d’éthique familiale à l’ITB
Durant les premiers mois de la vie, l’enfant est en parfaite symbiose avec sa mère. Leur relation est fusionnelle. À la naissance, pour que l’enfant puisse se détacher de sa mère et s’ouvrir aux autres, la présence active d’un père – ou d’une figure paternelle – est nécessaire.
En son absence, la relation mère-enfant reste sur un mode fusionnel. La mère peut devenir possessive, parfois à l’excès. L’enfant a alors du mal à développer son identité et n’existe qu’en tant que prolongement de sa mère.
Si c’est une fille, elle devient son miroir (1). Si c’est un garçon, il peut devenir inconsciemment un substitut d’homme, surtout si la mère a été abandonnée ou blessée. Dans les deux cas, cette relation peut devenir une relation d’amour-haine (2).
Les enfants surprotégés risquent d’avoir une faible estime d’eux-mêmes et, à l’âge adulte, des difficultés conjugales. Pour un développement sain, la séparation est essentielle. Les parents doivent encourager l’autonomie de leur enfant dès le plus jeune âge.
Le remède biblique : la salutaire séparation
Dès la Genèse, Dieu établit ce principe :
« L’homme quittera son père et sa mère… » (Genèse 2/24).
Le seul remède à cette possessivité est la « coupure du cordon ».
Ève, la première mère, signifie « celle qui donne la vie ». En Genèse 4, on voit une évolution dans sa relation à la maternité. À la naissance de Caïn, elle déclare : « J’ai acquis un homme avec l’aide de l’Éternel. » Le mot hébreu utilisé ici, qânâh, évoque l’idée de possession, d’achat. On pourrait rendre Caïn par : « Je l’ai acquis, c’est à moi, c’est le mien. »
Caïn, le fils de la possessivité, devient l’enfant préféré, l’enfant chouchou, sur qui reposent les attentes de ses parents après la chute.
Adam, de son côté, reste toujours silencieux, en retrait – comme lors de la tentation par le serpent (Genèse 3/6). Il n’est que géniteur.
Le second enfant s’appelle Abel, signifiant « vapeur », « buée » (3), un être fragile, incapable de briser la fusion entre Ève et Caïn. Caïn, trop aimé et investi, ne supporte pas d’être désavoué par Dieu. Il ne pouvait être autre chose que jaloux, quand Abel est honoré par Dieu. Il devient le premier meurtrier.
Ève, séduite autrefois par la promesse de devenir comme Dieu, cherche encore à combler un manque intérieur. Mais en devenant mère selon son propre besoin d’estime, elle engendre le chaos.
La possessivité parentale produit des enfants mal préparés à la vie, comme les fruits médiocres offerts par Caïn (4).
Plus tard, à la naissance de Seth, Ève dit : « Dieu m’a donné un autre fils… » Elle reconnaît alors que l’enfant est un don, non une acquisition.
Seth est le signe d’une guérison. Mais ce n’est qu’avec Enosh, son petit-fils, qu’on commence à invoquer Dieu. Il faut parfois deux générations pour rétablir les équilibres parentaux.
Genèse 4 est ainsi encadré par deux conceptions de la maternité : l’une possessive, l’autre caritative.
Pour être père, il faut être homme
Les mères ont besoin des pères, pour que l’enfant ne reste pas prisonnier de la fusion maternelle. Dès la Genèse, Adam n’a pas pris sa place. Il est resté muet.
Aujourd’hui encore, la « crise de la masculinité » persiste. Il est temps de méditer cette exhortation de Paul :
« Veillez, demeurez fermes dans la foi, soyez des hommes, fortifiez vous. » (1 Corinthiens 16/13)
Quand le père est absent ou réduit au rang de géniteur, la mère devient omnipotente.
Ne pas confondre rôle et fonction
Les rôles peuvent être partagés ou échangés selon les habitudes du couple, la culture ou les évolutions de la société (5). Mais la fonction, elle, est inconsciente, symbolique, structurante.
La fonction maternelle incarne la tendresse, la protection, l’amour inconditionnel. Elle favorise la fusion.
La fonction paternelle, elle, apporte la séparation, la différenciation, les limites. Elle tire l’enfant vers l’extérieur – éduquer, c’est faire sortir.
Le père doit s’interposer entre la mère et l’enfant, permettre à ce dernier de se construire en dehors de la fusion maternelle.
S’il ne le fait pas, il met la mère en danger de surinvestissement affectif, et l’enfant, en danger de toute-puissance.
L’enfant apprend par sa mère qu’il est au centre d’un monde. Il apprend par son père qu’il existe d’autres mondes, avec lesquels il devra composer.
Attention au syndrome du papa poule
Si le père n’assume pas sa fonction, la mère devient toute-puissante. Certes, les nouveaux pères participent davantage : ils donnent le biberon, changent les couches, sont présents à l’accouchement. C’est une belle évolution.
Mais ils doivent aussi remplir leur fonction de séparation, être cet « autre » qui permet à l’enfant de se détacher. S’ils deviennent des « mamans bis », ils privent leur enfant de ce dont il a besoin pour se structurer.
Un père n’est pas une mère. Il n’est pas là pour tout combler, mais pour poser les limites, ouvrir au monde, à l’altérité.
Avez-vous déjà vu une maman inquiète pendant que le père fait faire des cabrioles à l’enfant ? La mère dit « attention ». Le père dit « vas-y mon fils ! ». Et leurs désaccords sur le choix d’un jouet ? L’un pense que c’est trop bébé, l’autre trop dangereux. C’est cette tension naturelle qui permet à l’enfant de grandir.
Dans les premiers mois, l’enfant a besoin de fusion. Plus tard, il a besoin d’un père pour se détacher.
UNE MERE N’EST PAS UN PERE.
C’EST POURQUOI, J’EN APPELLE AUX PERES : PRENEZ VOTRE PLACE !
ET AUX MERES : LAISSEZ-LEUR CETTE PLACE !
(1) Elle, lui renvoyant sa propre image, et servant d’objet de valorisation. D’où parfois ces mères qui habillent leurs filles comme des lolitas.
(2) On peut citer comme référence les écrits du pédiatre Donald Winnicott sur le développement de l’enfant et plus récemment Les Enfants de Jocaste : L’empreinte de la mère de Christiane Olivier (Denoël, 2011) et Mères-filles : Une relation à trois de Caroline Eliacheff et Nathalie Heinich (Albin Michel, 2002).
(3) Terme repris dans l’expression de l’ecclésiaste « vanité des vanités », littéralement « buée de buée » (Ecclésiaste 1/2).
(4) La possessivité engendre des enfants inadaptés, irresponsables, des enfants gâtés comme les fruits que Caïn présente en offrande. Les commentaires juifs rendent d’ailleurs le texte hébreu dans ce sens. Il offre » ce qu’il y avait de moins bon » (Beréchith raba 22, 5). Le récit d’un Midrash rapporte qu’il aurait présenté des graines de lin (Midrach tan‘houma Beréchith 9). Il n’a pas été agréé parce qu’il a présenté des fruits de la terre et Abel un agneau ; mais Abel a offert ses premiers-nés, le meilleur, la primeur alors Caïn, les restes, de vulgaires graines de lins.
(5) Par exemple : qui vide la poubelle, fait la cuisine ou la vaisselle, gère le budget, etc. Qui surveille les devoirs des enfants, les accompagne aux sports ou raconte les histoires le soir au coucher. Certains rôles ou tâches sont dits, par la culture ou l’éducation, plus masculins ou plus féminins. Il y a quelques dizaines d’années, on disait majoritairement que c’est à l’homme de pourvoir aux besoins de sa famille. Aujourd’hui, de plus en plus d’hommes prennent des congés parentaux pour éduquer leurs enfants et 80 % des femmes travaillent. Finalement, ces rôles sont assez interchangeables et ne sont pas genrés !
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