Dieu, un père pas comme les autres

Par Samuel TRICOIRE, pasteur à Amboise.

INTRODUCTION

La compréhension de l’image de Dieu comme Père céleste est un défi majeur pour l’Église d’aujourd’hui. Avec l’éclatement de la famille et la remise en question de nombreuses valeurs chrétiennes au sein de la société, le concept de parentalité devient difficile à apprécier selon le regard de Dieu. En conséquence, de nombreux chrétiens éprouvent des difficultés ou rencontrent des obstacles dans leur croissance spirituelle après leur conversion. Ils développent une image du « père » qui est erronée, lorsqu’ils associent inconsciemment l’image de Dieu le Père à celle de leur père terrestre.

Le constat est simple : une représentation préconçue du « père » terrestre va façonner dans une large mesure, et souvent plus qu’on ne le pense, la conception que l’on se fait de Dieu le Père céleste. Et cette perception de Dieu va considérablement influencer la nature de la relation que l’on entretiendra avec lui.

La question à se poser est donc : comment est-ce que je vois Dieu, et quelle est la nature de la relation que j’entretiens avec lui ?

Pour répondre à cette interrogation, j’aimerais d’abord explorer l’image de Dieu selon la Bible. Ensuite, à la lumière de cette représentation, je propose d’envisager une nouvelle perspective de la relation qu’il désire tisser avec nous, en tant que ses enfants.

L’IMAGE DU PÈRE

En préambule, reconnaissons qu’il est impossible de connaître parfaitement l’image de Dieu, car, comme Jean l’affirme : « Personne n’a jamais vu Dieu. Mais le Fils unique, qui est Dieu et qui vit dans l’intimité du Père, lui seul l’a fait connaître. » (Jean 1/18). Cela signifie que Jésus est celui qui est le plus à même de nous faire comprendre l’image de Dieu le Père.

Une autre piste à explorer est celle de l’interaction entre Dieu et l’homme dans la Genèse, à l’époque où tout était encore parfait, où Dieu développait cette relation paternelle avec Adam et Ève.

I- L’image de Dieu selon la Genèse

« Puis Dieu dit : « Faisons l’homme à notre image, à notre ressemblance ! Qu’il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail, sur toute la terre et sur tous les reptiles qui rampent sur la terre. » Dieu créa l’homme à son image, il le créa à l’image de Dieu. Il créa l’homme et la femme. » (Genèse 1/26-27).

Mais quelle est donc cette image ?

Il est clair qu’il s’agit d’une image spirituelle et non corporelle : Dieu n’est pas à l’image d’un vieillard vêtu d’une barbe blanche. Les premiers versets de la création nous éclairent sur cette image :

1. Simplicité et pureté : « L’homme et sa femme étaient tous les deux nus, et ils n’en avaient pas honte. » (Genèse 2/25).

2. Repos et tranquillité avec le septième jour : « Le septième jour, Dieu mit un terme à son travail de création. Il se reposa de toute son activité le septième jour. Dieu bénit le septième jour et en fit un jour saint, parce que ce jour-là il se reposa de toute son activité, de tout ce qu’il avait créé. » (Genèse 2/2-3).

3. Amour et découverte des bonnes choses : « L’Éternel Dieu fit pousser du sol des arbres de toute sorte, agréables à voir et porteurs de fruits bons à manger. » (Genèse 2/9).

4. Paix et insouciance : « Dieu les bénit et leur dit : « Reproduisez-vous, devenez nombreux, remplissez la terre et soumettez-la ! » (Genèse 1/28).

5. Dépendance et confiance totale : « Je vous donne toute herbe à graine sur toute la surface de la terre, ainsi que tout arbre portant des fruits avec pépins ou noyau : ce sera votre nourriture. » (Genèse 1/29).

6. Sécurité parfaite et absence du mal : « L’Éternel Dieu prit l’homme et le plaça dans le jardin d’Eden pour qu’il le cultive et le garde. L’Éternel Dieu donna cet ordre à l’homme : « Tu pourras manger les fruits de tous les arbres du jardin. » (Genèse 2/15-16).

7. Pour vivre une vraie amitié-relation entre Adam et Ève, les animaux, et également avec Dieu : « Quand ils entendirent la voix de l’Éternel Dieu en train de parcourir le jardin vers le soir […]. » (Genèse 3/8).

Mais, après cette belle image de Dieu et de l’homme, créé lui-même à l’image de Dieu, survient le drame : la tentation, puis la chute.

L’homme est-il toujours à l’image de Dieu après la chute ?

Il semble que l’homme conserve certains aspects de cette image divine, tels que la créativité, le désir de justice, etc. Cependant, de manière générale, il n’est plus à l’image de Dieu, pour les motifs suivants :

      1. Le mal est en lui alors qu’il n’est pas en Dieu (Genèse 3/7) ;
      2. Il a conscience d’être mauvais, contrairement à Dieu ;
      3. Il éprouve de la peur face à Dieu et se cache (Genèse 3/8, 10) ;
      4. Il doit travailler péniblement et souffrir pour subvenir à ses besoins au lieu de profiter de la vie (Genèse 3/17-19).

Un autre argument de cette forte altération de l’image de Dieu nous est fourni par l’apôtre Paul : « Faites donc mourir en vous ce qui est terrestre […]. Ne vous mentez pas les uns aux autres, car vous vous êtes dépouillés du vieil homme et de ses manières d’agir, vous avez revêtu l’homme nouveau qui se renouvelle pour parvenir à la vraie connaissance, conformément à l’image de celui qui l’a créé. » (Colossiens 3/5-10).

Paul évoque un homme nouveau, qu’en tant que chrétiens nous devons revêtir pour redevenir conformes à « l’image de celui qui l’a créé ».

Nous comprenons donc que l’homme a été créé à l’image de Dieu, une image de simplicité, de repos, de paix, d’insouciance, de dépendance, de confiance et d’amitié. Or, avec la chute, cette image se détériore à cause du péché. L’homme ne peut donc plus être considéré comme l’image de Dieu sur terre.

Ce constat effectué, examinons maintenant comment Jésus lui-même nous présente l’image de Dieu le Père.

II- L’image de Dieu selon Jésus

« Ils arrivèrent à Capernaüm. Lorsqu’il fut dans la maison, Jésus leur demanda : « De quoi discutiez-vous en chemin ? » Mais ils gardèrent le silence, car en chemin ils avaient discuté entre eux pour savoir qui était le plus grand. Alors il s’assit, appela les douze et leur dit : « Si quelqu’un veut être le premier, il sera le dernier de tous et le serviteur de tous. » Il prit un petit enfant, le plaça au milieu d’eux et, après l’avoir pris dans ses bras, il leur dit : « Celui qui accueille en mon nom un de ces petits enfants, c’est moi-même qu’il accueille, et celui qui m’accueille, ce n’est pas moi qu’il accueille, mais celui qui m’a envoyé. » (Marc 9/33-37).

Que se passe-t-il ? Les disciples désirent savoir qui, parmi eux, est le plus grand. Ils discutent entre eux et non avec Jésus. Ils se placent au centre de l’attention, pensant être devenus importants, des serviteurs adultes et matures. Jésus, quant à lui, va leur montrer quelle est la véritable image à laquelle ils devraient ressembler.

Il s’assoit dans la maison et, au lieu de se mettre au centre (ce qui paraît être le plus logique), il prend un enfant, l’embrasse et le place au milieu des disciples. Un enfant ! Un être qui n’est pas encore adulte, immature ; qui, selon la culture juive, n’a ni statut, ni pouvoir et qui dépend entièrement de ses parents. Un être fragile, insouciant et dépendant.

Je ne sais pas à qui vous vous identifiez dans cette histoire. Les disciples, l’enfant ? En général, lorsque Jésus parle aux disciples, il nous parle aussi à nous ! Jésus vient nous montrer que nous avons tendance à nous comporter comme des adultes suffisants, alors que lui-même s’identifie à un enfant. De plus Jésus ne dit pas « c’est COMME SI c’était moi que vous accueilliez » mais « c’est MOI-MÊME, et non seulement moi, mais DIEU LUI-MÊME, que vous accueillez ! »

Non seulement il s’identifie à un enfant, mais il identifie également Dieu le Père à un enfant.

Ouah ! Dieu lui-même incarné dans un enfant ?

Mais alors que signifie cette affirmation ?

Pourquoi Jésus, le seul qui connaisse le Père et qui soit capable de nous le faire connaître, s’identifie et identifie-t-il Dieu à un enfant ?

Serait-ce parce que c’est ainsi que l’homme était avant la chute ? Un être insouciant, désireux de découvrir et de jouir de la vie, dans la paix, la confiance et une dépendance totale envers Dieu ?

Aussi déroutant que cela puisse paraître, il semble que l’une des meilleures représentations de Dieu sur terre soit celle d’un enfant. L’une des meilleures façons de percevoir « l’image de Dieu », comme décrit dans le livre de la Genèse, serait de regarder un enfant.

Bien sûr les enfants naissent pécheurs et portent des traces du péché dans leur jeune vie. Mais leur construction, leur insouciance, leur capacité de résilience, leur confiance et leur jeune innocence font d’eux des images bien meilleures que celles des adultes. Voilà pourquoi Jésus affirme que c’est lui-même, et plus encore, Dieu le Père, que nous recevons lorsque nous accueillons un enfant par amour pour lui !

CONCLUSION

Il semble que Dieu nous invite à réimaginer notre perception de qui il est.

Dieu est saint, miséricordieux, omniscient, juste, et possède tous les autres attributs que nous lui connaissons. Mais il est également simple, pur, confiant, dans la paix et la joie, vivant dans le repos, faisant inlassablement confiance, cherchant l’amitié, etc.

Cela change-t-il de l’image du père que nous nous sommes parfois forgée ? Pourtant, c’est précisément cette image de Dieu le Père que nous trouvons dans la Genèse, et que Jésus lui-même nous a transmise ! L’une des meilleures images de Dieu sur terre est un enfant.

Alors, en quoi cela transforme-t-il ma compréhension de ma relation avec Dieu le Père ?


LA RELATION PÈRE-FILS

L’une des meilleures images de Dieu sur terre est un enfant ! En cas de doute, je vous invite à (re)lire la première partie de cette réflexion sur l’image du père. En tout cas, le constat reste le même : ayant une image préconçue du « père » (terrestre), cela vient plus ou moins (souvent plus que moins) définir l’image que tu te fais de Dieu le Père (céleste). Et l’image que tu te fais de Dieu influencera considérablement la relation que tu auras avec lui.

Il est donc urgent, dans un premier temps, d’explorer cette image et ensuite de réfléchir à la manière dont Dieu le Père voudrait vivre la relation avec nous ses enfants. La question est : comment comprendre l’image de Dieu le Père pour entrer dans une relation plus grande avec lui ?

J’aimerais vous emmener dans un passage étonnant où Jésus se retrouve à discuter avec des grands sages de son époque, et où il leur explique comment fonctionne la relation entre père et fils selon Dieu.

« Jésus reprit la parole et leur dit : « Oui, je vous le déclare, c’est la vérité : le Fils ne peut rien faire par lui-même ; il ne fait que ce qu’il voit faire au Père. Tout ce que le Père fait, le Fils le fait également. Car le Père aime le Fils et lui montre tout ce qu’il fait lui-même. Il lui montrera des œuvres à faire encore plus grandes que celles-ci et vous en serez étonnés. Car, de même que le Père relève les morts et leur donne la vie, de même le Fils donne la vie à qui il veut. Et le Père ne juge personne, mais il a donné au Fils tout le pouvoir de juger, afin que tous honorent le Fils comme ils honorent le Père. Celui qui n’honore pas le Fils, n’honore pas le Père qui l’a envoyé. « Oui, je vous le déclare, c’est la vérité : quiconque écoute mes paroles, et croit en celui qui m’a envoyé, possède la vie éternelle. Il ne sera pas condamné, mais il est déjà passé de la mort à la vie. » (Jean 5/19-24).

Quelle explication !

Que voit-on dans ce texte ?

      • Un partenariat d’amour : ils font tous les deux les mêmes choses et parfois ensemble ;
      • Une intimité harmonieuse : il y a un fort mimétisme de Jésus par rapport à Dieu ;
      • Une délégation d’autorité totale : Dieu ne juge pas, alors qu’on pourrait penser que puisque le père est juge, il confie cela au fils ;
      • Une unité d’être : la raison pour laquelle Dieu confie tout jugement à Jésus est pour que celui-ci ait autant d’honneur que Dieu le Père (verset 23, « afin que tous honorent le Fils comme ils honorent le Père ») ;
      • L’amour parfait : enfin nous voyons que le Père aime le Fils, et qu’il lui montre tout.

Il semble apparaitre une relation fusionnelle entre le Père et le Fils.

Une relation d’amour, d’harmonie, d’autorité et d’honneur équivalents, avec un désir de vivre et d’agir de la même manière. Un peu comme s’ils étaient les meilleurs amis, finalement. D’ailleurs, si nous revenons au jardin d’Eden, nous voyons que Dieu ne se « comporte » pas tout à fait (ou uniquement) comme un père (terrestre), mais comme quelqu’un qui souhaite avoir une relation de confiance, de qualité, de paix, de joie et d’amitié.

Dieu n’est pas seulement un père, il est aussi un meilleur ami. Autrement dit : Dieu voudrait être ton « père-meilleur ami ».

      • La fonction d’un père et l’attitude d’un meilleur ami ;
      • L’amour d’un père et la complicité d’un ami.

Un équilibre parfait entre ces deux rôles, qui permet de découvrir une relation parfaite.

Pourtant une lettre peut tout changer.

Entre « père-meilleur ami » et « pire meilleur ami » il n’y a qu’une lettre de différence. Il est facile de voir Dieu comme une autorité suprême loin de tout, un être qui ne se soucie pas du bien des humains, qui ne s’intéresse pas à l’injustice, aux souffrances, à nos soucis les plus personnels, simples et intimes. En plus de cela, nous avons du mal à dissocier l’image de Dieu, le Père céleste, d’avec celle de notre père terrestre (qui pourtant est imparfait, désolé papa !).

Bien qu’il soit une image imparfaite de Dieu, c’est souvent comme cela que tu imagines Dieu et ta relation avec lui.

Pourtant un père n’est pas là uniquement pour :

      • exercer l’autorité ;
      • reprendre-corriger ;
      • éduquer ;
      • apprendre les bonnes manières.

Certes c’est important, et c’est déjà un grand défi !

Mais un père selon Dieu, c’est aussi un meilleur ami, qui va :

      • être toujours à l’écoute ;
      • donner du temps pour vivre des choses ensemble ;
      • t’aider dans tes difficultés ;
      • te rassurer quand tu souffres ;
      • te permettre d’être vulnérable parce que tu ne te sens pas jugé ;
      • vivre des moments de paix et de joie simples.

Te rappelles-tu un moment de ton enfance où tu as joué avec ton père ? Un moment tellement magique qu’il reste gravé dans ta mémoire ? Peut-être que cela arrivait souvent, rarement ou pas du tout. Pourtant quand un père accueille avec amour son fils pour s’intéresser à lui et participer à ce qui est le plus important pour lui, à ce moment-là c’est un père qui a l’attitude d’un meilleur ami. C’est un père qui développe une relation similaire à celle que Dieu souhaite avoir avec nous !

Ne laisse pas ta vie et ta compréhension actuelles du « père » t’amener à considérer Dieu comme un père limité dans ses capacités d’amitié. Réalise que Dieu veut être ton « père-meilleur ami ».

PS : Et pour les papas (comme moi !) qui lisent ces lignes, exerçons notre relation père-enfant comme une belle image de la relation que Dieu désire avoir avec chacun de ses enfants ! Soyons des « pères-meilleurs amis », à l’image de Dieu, afin que nos enfants entrent, eux aussi, dans une belle relation avec leur Père céleste.

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