Nous sommes l’Eglise

Alors que les églises traversent depuis de longs mois des temps de restrictions, de séparations et de bouleversement de leur fonctionnement, reposons les bases de l’église selon le Nouveau Testament, en répondant à cette question simple : « qu’est-ce que l’église ? ».

Nous nous appuierons principalement sur le passage de Romains 12/4-6 qui nous fournit des éléments de réponse, simples et indispensables.

NOUS 

Par cinq fois dans ces versets, le même pronom personnel revient « nous ». Dans un monde individualiste, rappelons-nous que l’église est un projet collectif, et même corporatif. L’église ne se conjugue jamais à la première personne du singulier. Nul ne peut dire : « je suis l’église ». Elle se conjugue toujours à la première personne du pluriel : « Nous sommes l’église ».

Cette parole ne doit pas se résumer à un beau slogan. Elle doit être à la base de nos motivations et de nos actions. Mais elle exige de nous débarrasser de tout sentiment égocentrique. Le « nous » passe par un renoncement au « je » et par l’accueil de l’autre : « Ne faites rien par esprit de parti ou par vaine gloire, mais que l’humilité vous fasse regarder les autres comme étant au-dessus de vous-mêmes. Que chacun de vous, au lieu de considérer ses propres intérêts, considère aussi ceux des autres » (Philippiens 2 /3-4).

De ce « nous », nous y puisons alors plus que ce que nous y apportons. Nous y trouvons de l’écoute, du soutien, de la consolation, de la force. Nous y apprenons aussi à supporter, pardonner, encourager, servir et aimer. Toutes ces choses si précieuses de la vie chrétienne, ce n’est pas en restant dans notre entre-soi qu’elles se développeront dans nos vies, mais au contact du « nous » de l’église.

NOUS SOMMES L’ASSEMBLÉE

Dans le Nouveau Testament, l’église est l’ekklesia. L’étymologie de ce mot d’origine grec est « appelé hors de… », et sa traduction la plus simple est « l’assemblée ». J’aime ce mot parce qu’il met l’accent non sur un bâtiment, mais sur les hommes. S’il n’y a pas d’hommes, il ne peut y avoir d’assemblée. Le mot « ekklesia » faisait déjà partie du langage usuel bien avant son utilisation dans le nouveau testament. Avant de désigner l’église, celui-ci était couramment utilisé pour parler d’une assemblée politique[1], culturelle, philosophique ou religieuse. Les disciples de Jésus-Christ se retrouvaient donc eux aussi pour former leur assemblée. Ils se retrouvaient autour d’un nom, celui de Jésus, d’un message : l’Évangile, d’une espérance : la vie éternelle.

NOUS SOMMES PLUSIEURS

Une caractéristique de l’assemblée chrétienne est sa diversité de personnes de différents arrière-plans religieux, culturel, social… Autrefois, juifs, grecs, romains, syriens, africains, libres et esclaves, cultivés et ignorants (les barbares de Paul), hommes et femmes s’y retrouvaient régulièrement alors que tous les divisaient dans le monde séculier. De nos jours, nos églises rassemblent encore une telle diversité, c’est une bonne chose. Il n’y a rien de plus éloigné de la volonté de Dieu que des églises se formant autour d’une base ethnique, sociale ou générationnelle.

Cette diversité ne rend pas toujours les choses simples et nous oblige à nous accepter les uns les autres, à nous écouter, à nous supporter. C’était déjà le cas du temps des apôtres au point que Paul écrivit à l’attention des Juifs et des Gentils de l’église de Rome : « Accueillez-vous donc les uns les autres, comme Christ vous a accueillis, pour la gloire de Dieu » (Romains 15/7). Cette diversité, loin de nous fragiliser, nous enrichit de toutes nos sensibilités et expériences.

Ainsi, « nous sommes plusieurs », mais nous formons une seule assemblée.

NOUS SOMMES UNE COMMUNAUTÉ

Il existe de nombreuses assemblées non-chrétiennes. Les gens se retrouvant lors de concerts, de séances de cinéma, d’expositions d’art forment des assemblées. Mais ils s’y retrouvent un instant, le temps de l’événement, avant de se séparer. La plupart n’a aucun désir de nouer des liens avec le voisin de fauteuil…

Il arrive que les plus motivés se rassemblent dans des fan-clubs, des partis politiques, des associations de supporters… Ils forment alors, d’un point de vue légal, une association, et d’un point de vue organique, une communauté. Leur centre d’intérêt partagé les pousse à persévérer ensemble au-delà de l’instant et de l’événement.

Pareillement, nous, chrétiens, nous sommes une assemblée et nous sommes appelés à former une communauté… C’est un projet qui s’inscrit sur le long terme. Nous exprimons alors un désir de persévérance et d’attachement à cette assemblée. Notons que le premier verbe concernant la vie de l’église est justement « persévérer » (Actes 4/32). Il insiste donc sur l’idée d’engagement et de fidélité dans le temps, notamment ceux difficiles.

Au-delà de cette persévérance, nous exprimons aussi un désir d’unité de foi, de cœur : « Ayez un même sentiment, un même amour, une même âme, une même pensée » (Philippiens 2/3.4).

Notre but n’est donc pas simplement d’être une assemblée, mais une communauté regroupant des hommes unis non par leur volonté fluctuante, mais par celle de l’Esprit. Cette unité est un don de Dieu qu’il nous faut nous « efforcer de conserver par le lien de la paix » (Éphésiens 4/3). Si Paul utilise ce verbe « s’efforcer », c’est que vivre le projet de l’église selon le cœur de Dieu n’est pas une évidence pour l’homme ! Comme « persévérer », « s’efforcer » réclame une fidélité et un engagement. Il implique que nous apprenions à vivre ensemble dans cet esprit de paix : « Supportez-vous les uns les autres, et, si l’un a sujet de se plaindre de l’autre, pardonnez-vous réciproquement. De même que Christ vous a pardonné, pardonnez-vous aussi » (Colossiens 3/13).

NOUS SOMMES UN CORPS

Le don de l’unité en Christ est si puissant qu’il fait de l’église, un corps : « Nous formons un seul corps » (Romains 12/5). « Nous sommes plusieurs » rassemblés et unis par l’Esprit pour ne faire qu’un en Christ.

Dans ce corps, nous y avons tous :

  • Une place sans distinction ethnique, sociale ou de genre… : « Il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni libre, il n’y a plus ni homme ni femme ; car tous vous êtes un en Jésus-Christ » (Galates 3/28).
  • Une qualification propre : « Nous avons des dons différents » (Romains 12/6).
  • Une fonction particulière : « Tous les membres n’ont pas la même fonction » (Romains 12/4).

Dans ce corps, nul n’est suffisant : « L’œil ne peut pas dire à la main : je n’ai pas besoin de toi ; ni la tête dire aux pieds : je n’ai pas besoin de vous… » (1 Corinthiens 12/21).

Dans ce corps, nul n’est insignifiant : « les parties du corps qui nous paraissent insignifiantes sont particulièrement nécessaires… » (1 Corinthiens 12/22, Semeur).

« Se réunir, c’est un début. Rester ensemble, c’est un progrès. Servir ensemble, c’est la réussite. » (Henry Ford)

En nous appuyant sur le passage de Romains 12/4.6, nous avons commencé par dire que l’église est un projet collectif. Elle est fondamentalement une assemblée d’hommes et de femmes d’horizons différents, réunis par leur foi en Christ. Plus qu’une assemblée, elle se développe pour former une communauté qui se renforcera au point de devenir un corps. Poursuivons plus loin et considérons ce qui se passe à l’intérieur de ce corps que nous formons ensemble.

NOUS VALORISONS LA COMMUNION FRATERNELLE

« Nous sommes tous membres les uns des autres » (Romains 12/5).

D’après Actes. 2/42, « la communion fraternelle » est un des quatre piliers de la vie de l’église avec « l’enseignement des apôtres, la fraction du pain, et les prières ». Notons qu’elle est citée en deuxième, cela ne veut pas dire qu’elle serait plus importante que les deux dernières. En tout cas, elle a tout autant de valeur spirituelle et s’inscrit aussi bien dans le culte et la vie de l’église que les trois autres.

Si elle est très éprouvée en ce moment, et souvent réduite à la portion congrue dans la pratique, nous devons la rechercher et la valoriser. Ne devrions-nous pas lui consacrer un quart de notre temps, de nos espaces ?

Pour souligner encore son importance, considérons que les membres du corps sont liés les uns aux autres, avant d’être liés à la tête, car aucun membre du corps n’est lié directement et indépendamment à la tête.

Nous ne pouvons donc pas dire : « ce qui est important dans l’assemblée, c’est ma communion avec Dieu, d’être attaché à Christ », et de participer au culte dans un esprit égocentrique. Dieu nous appelle plutôt à développer un réel sens de la communion fraternelle. Par lequel, nous apprenons alors à nous encourager les uns les autres, à nous réjouir, pleurer, partager ensemble…

De même, nous apprenons à nous servir les uns les autres, à veiller les uns sur les autres, à prendre soin des plus faibles, des plus petits… Dans tous les cas, nous refusons de répondre à Dieu comme Caïn : « Suis-je le gardien de mon frère ? » (Genèse 4/9). Plutôt, nous prenons pour exemple les disciples de l’église de Jérusalem dont il est dit que : « la multitude de ceux qui avaient cru n’était qu’un cœur et qu’une âme » (Actes 4/32).

De plus, nous n’avons pas seulement une place, une qualification, une fonction dans l’église, mais nous y servons en relation avec des frères et des sœurs dans un esprit d’interdépendance, et de mutualité… Nous apprenons à mettre en pratique cette expression que l’on retrouve tout au long du chapitre 3 de Néhémie[2] : « à côté de… après lui… ».

Pour parvenir à cette communion fraternelle, il nous faut plus que conserver « l’unité de l’esprit par le lien de la paix ». Nous sommes appelés à tendre vers le lien de la perfection : « par-dessus toutes ces choses revêtez-vous de la charité, qui est le lien de la perfection » (Colossiens 3/14). C’est par ce lien d’amour que nous formerons un corps solide et bien ajusté qui s’épanouira comme Dieu le désire : « tout le corps, assisté et solidement assemblé par des jointures et des liens, tire l’accroissement que Dieu donne » (Colossiens 2/19).

NOUS DÉSIRONS UNE COMMUNION SPIRITUELLE

« Car là où deux ou trois sont assemblés en mon nom je suis au milieu d’eux » (Matthieu 18/20).

En étant assemblés[3], Jésus demeure au milieu de nous. Voilà un bénéfice de la communion fraternelle, une réelle communion spirituelle avec le Seigneur, et ce de deux manières.

Premièrement, unis en tant que corps, nous sommes ensemble attachés à Jésus, la tête. La tête concentre les sens de l’homme (entre autres l’ouïe et la vue), elle envoie des messages (la parole). Elle gouverne et dirige le corps (la pensée). Bien des choses concernant notre vie, notre marche avec Dieu, ne se découvriront que dans l’assemblée. Elle est le lieu favorable et privilégié où Jésus adresse sa Parole, distribue ses dons, console et encourage, équipe et envoie.

Deuxièmement, à travers le corps, le réseau vasculaire sanguin (artères, capillaires, veines…) apporte la vie au corps et à ses membres : « La vie est dans le sang » dit le Lévitique. Un même sang, une même vie abreuve le corps de Christ, c’est l’Esprit Saint qui demeure au milieu de l’assemblée : « Nous avons tous, en effet, été baptisés dans un seul Esprit, pour former un seul corps, soit Juifs, soit Grecs, soit esclaves, soit libres, et nous avons tous été abreuvés d’un seul Esprit » (1 Corinthiens 12/13).

Il est vrai que, nés de nouveau et baptisés de l’Esprit, nous sommes chacun remplis du Saint-Esprit. Néanmoins, Paul affirme qu’il existe une plénitude de l’Esprit qui ne se trouve que dans l’église : « il l’a donné pour chef suprême à l’Église, qui est son corps, la plénitude de celui qui remplit tout en tous » (Éphésiens 1/22-23). Quelle que soit notre intimité personnelle avec le Seigneur, c’est de cette plénitude incomparable dont nous avons besoin d’être abreuvés, comme les membres du corps, par le sang irriguant le réseau vasculaire.

« Les peuples passent, les trônes s’écroulent, l’église demeure ». (Napoléon Bonaparte)

[1] Le chapitre de la reconstruction des murailles de Jérusalem.

[2] Assembler est ici le verbe sunago dont le substantif est synagogue. Il a le même sens qu’ekklesia.

[3] Par exemple : l’aréopage d’Athènes, Actes 17/19-21.

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