L’annonce de l’Évangile de partout vers partout, mais ensemble
Par Bastien SAINT-ELLIER, directeur en France de la Mission Aviation Fellowship
POUR UNE MISSION AUTO-PROPAGATRICE, AUTONOME ET AUTOSUFFISANTE
Le 9 janvier 1956, un avion de la Mission Aviation Fellowship (MAF) atterrit en Équateur près d’une rivière, en pleine jungle. Les cinq missionnaires qui avaient embarqué dans l’avion ne reviendront jamais. Leurs corps seront retrouvés dans la rivière. Ils ont été tués par des membres de la tribu Waodani.
N’est pas insensé celui qui donne ce qu’il ne peut pas garder, pour gagner un prix qu’il ne peut pas perdre. (Jim Elliot à 22 ans. Décédé le 9 juillet 1956 en mission)
Mais Dieu a transformé cette tragédie en une belle histoire de rédemption et encouragé des générations de missionnaires. Deux ans après leur mort, Elisabeth Elliot, la veuve de Jim Elliot, et la sœur de Nate Saint sont entrées en contact avec les Waodanis pour traduire la Bible dans leur langue.
Les hommes qui avaient commis le meurtre sont devenus croyants en celui qui avait envoyé les missionnaires pour les atteindre. Quelques années plus tard, Steve Saint, le fils d’un des pilotes assassinés, a finalement passé une grande partie de son enfance parmi les Waodanis. L’arrivée douloureuse de l’Évangile parmi ce peuple violent, qui était en voie d’autodestruction par leur culture du meurtre, a permis un miracle de transformation.
Rentré aux États-Unis à l’adolescence, Steve Saint est revenu sur place à l’âge adulte avec une autre vision, et voilà ce qu’il dit : “Si le but premier de l’effort missionnaire est d’implanter des Églises chrétiennes indigènes, notre objectif spécifique, en tant que missionnaires, devrait être d’aider ces Églises émergentes à devenir auto-propagatrices, autonomes et autosuffisantes.”
Après 35 ans d’actions missionnaires auprès de cette tribu, Steve fait cet amer constat en 1998 :
“En 1995, à la demande des Waodanis, je suis retourné vivre avec ces gens de ma jeunesse. […] La dure réalité à laquelle je me suis trouvé confronté à mon retour était que l’Église Waodani du milieu des années 1990 était moins fonctionnelle qu’elle ne l’était au début des années 1960, lorsque je vivais avec tante Rachel et la tribu en tant que jeune adolescent.”
Pourquoi selon lui ? Parce qu’ils étaient devenus dépendants de l’aide des missionnaires (et des compagnies pétrolières arrivées entre-temps) en ce qui concerne l’éducation, les soins médicaux et les communications radio pour relayer les informations entre les villages.
Et Steve ajoute :
“Même si la plupart des missionnaires ne favoriseraient pas consciemment la dépendance, je crois que le diable nous trompe en nous poussant à créer cet état, en nous incitant à mélanger notre désir légitime d’aider les autres, une petite dose d’orgueil et une dose d’arrogance culturelle.”
À son retour sur place, Steve a travaillé à l’autonomie de la tribu. En deux ans et demi seulement, les Waodanis ont construit et géré leur propre clinique dentaire, leur pharmacie, leur comptoir commercial et leur école. Et pendant que les locaux soignent les dents, ils partagent avec leurs compatriotes le message de Dieu. Les organismes missionnaires d’aujourd’hui tentent de rendre les missions locales auto-propagatrices, autonomes et autosuffisantes.
DES MISSIONS AUTO-PROPAGATRICES
Aujourd’hui, de nombreuses missions envoient des enseignants plutôt que des évangélistes dans des pays déjà évangélisés, pour aider à structu- rer l’Église selon les principes bibliques, créer des écoles bibliques pour former des pasteurs locaux, etc.
D’autres essayent de former pour transformer. C’est le cas de Mercy Ships, les bateaux hôpitaux, qui soignent les malades directement mais qui favorisent également la formation continue du personnel médical local, afin de le faire monter en compétence et pour qu’il prenne le relais après leur départ vers un autre pays.
Des pays où les chrétiens sont persécutés auront besoin d’autres stratégies, avec des évangélistes sous couverture, par exemple.
À chaque terrain de mission sa spécificité, et l’adaptation reste au cœur de la mission. Les besoins sont nombreux et les profils attendus aussi.
LA DIVERSITE DES BESOINS DANS LA MISSION MODERNE
La MAF peut rechercher des pilotes ou des mécaniciens, Mercy Ships des médecins ou des infirmiers, l’Action Missionnaire des enseignants ou des évangélistes, Medair des chargés de projets humanitaires d’urgence, Opération Mobilisation (OM) des administrateurs, Frontiers des missionnaires, Portes ouvertes des chargés de plaidoyer… et la liste n’est pas exhaustive.
De plus en plus, la mission requiert des compétences spécifiques dans de nombreux domaines. Si Dieu vous a appelé pour cela, il vous qualifiera.
DES MISSIONS AUTONOMES ET AUTOSUFFISANTES
Mais si nous envoyons ces compétences sur le terrain, elles n’ont pas vocation à y rester indéfiniment. Il en va de notre responsabilité de rendre l’Église autonome et même plus, missionnaire à son tour.
Au Mizoram, dans l’est de l’Inde, l’Église locale a développé « la poignée de riz ». Lorsque les femmes cuisinent, à chaque repas, elles mettent de côté une poignée de riz. Ce riz est vendu pour subvenir aux besoins de l’Église. Grâce à cet engagement, ce sont des millions d’euros qui ont été levés ces dernières années, et l’Église locale est devenue totalement autonome, non seulement en termes de ministres mais aussi de finances. (Source : Générosité en action – Journée de la générosité)
L’innovation dans la mission arrive de partout. Par exemple, des Églises africaines forment de jeunes femmes à devenir coiffeuses et financent le lancement de leur salon de coiffure. Pourquoi ? Parce qu’à chaque coupe de cheveux, elles annoncent l’Évangile. L’Église soutient ces jeunes femmes dans leurs besoins économiques et sociaux et permet de diffuser l’Évangile en même temps.
Les exemples d’innovation pour annoncer l’Évangile sont nombreux, et nous pouvons largement apprendre d’eux. Mais, finalement, est-ce qu’ils ne suivent pas simplement l’exemple de Paul qui fabriquait des tentes ?
COOPERATION ET INTERDEPENDANCE DANS LA MISSION
Dans un monde globalisé, la mission va « de partout vers partout ». Les pays qui étaient autrefois des pays de missions envoient maintenant des missionnaires en France et partout dans le monde.
« De partout vers partout », mais aussi ensemble. Les barrières sont en train de tomber, et sur le terrain c’est déjà le cas depuis longtemps. Des organismes missionnaires collaborent entre eux, mais aussi avec les ONG, parfois avec le gouvernement lui-même, parfois en secret, au risque de se faire tuer ou expulser.
Sur le terrain, on retrouve des familles de missionnaires de différentes organisations qui vivent ensemble, « font Église » ensemble, travaillent ensemble. Les missionnaires africains peuvent maintenant être intégrés aux ADD françaises quand ils en font la demande en arrivant en France.
Les organismes missionnaires et les ONG ont tout intérêt à travailler les uns avec les autres car ils ont la même mission. D’ailleurs la plupart des organismes annoncent l’Évangile et répondent, en même temps, aux besoins sociaux et humanitaires d’une manière ou d’une autre, directement ou avec des partenaires.
Jacques ne dit-il pas :
« Si un frère ou une sœur sont nus et manquent de la nourriture de chaque jour, et que l’un d’entre vous leur dise : ‘Allez en paix, chauffez-vous et rassasiez-vous’, sans leur donner ce qui est nécessaire au corps, à quoi cela sert-il ? » (Jacques 2/15).
Aujourd’hui, quand 1€ est donné en France, il est probable qu’il transite par de nombreuses organisations chrétiennes qui travaillent main dans la main pour annoncer l’Évangile.
Imaginons un évangéliste missionnaire qui est financé pour aller annoncer l’Évangile :
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Il va être pris en charge par une école biblique pour le former, puis il va partir sur le terrain.
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Il va commander des bibles auprès d’organismes de traduction, d’édition et d’imprimerie.
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Il va éventuellement prendre un avion de la MAF pour se rendre dans un endroit où il ne pourrait pas aller seul.
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Sur place il va se rendre compte qu’il y a des personnes à soigner ; il fera éventuellement appel à RESCOF International pour faire venir une équipe de médecins, afin d’appuyer le message de l’Évangile par des actes, ou faire venir un bateau hôpital de Mercy Ships.
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Puis il fera éventuellement appel au SEL pour monter un centre de parrainage ou du microcrédit.
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Enfin, il va travailler avec des acteurs économiques locaux ou internationaux pour rendre les Églises autonomes.
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Puis il va revenir en France et fera peut-être appel à quelqu’un du RESAM pour avoir un débriefing spirituel et psychologique de ce qu’il a vécu sur le terrain car ce sont des missions éprouvantes.
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Sur place, il aura potentiellement formé des évangélistes, des pasteurs, des administrateurs, des responsables associatifs, etc., locaux qui vont créer leurs associations locales et continuer le travail sur place et qui, à leur tour soutiendront d’autres organisations, peut-être celles qui un jour viendront évangéliser la France.
Paul dit :
« J’ai planté, Apollos a arrosé, mais Dieu a fait croître. » (1 Corinthiens 3/6).
UN APPEL POUR TOUS
Alors n’oublions pas que nous sommes tous appelés à « aller par toutes les nations pour faire des disciples ». Au minimum dans la prière, puis par nos dons, nos actions, notre temps, à nos portes comme au loin, chacun à son niveau.


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