Les violences conjugales : un mal qui divise les églises de l’intérieur
Par David MASTRIFORTI, pasteur à Clamart, enseignant d’éthique familiale à l’ITB
« Dieu créa l’homme à son image, il le créa à l’image de Dieu, il créa l’homme et la femme » (Genèse 1/27)
Une traduction plus littérale dirait : « et Dieu créa l’être humain dans son image, dans l’image de Dieu il créa lui, mâle et femelle, il créa eux. »
Nous voyons que la création de l’humanité dans ses deux genres (masculin et féminin) n’a pas de notion de hiérarchie, ni de subordination. Il n’est pas parlé ici ni de soumission, ni d’obéissance, ni de domination.
Genèse 2/23-24 nous rappelle que la femme et l’homme ont la même chair et les mêmes os, c’est ce qui permet qu’ils deviennent une seule chair dans ce bel équilibre de l’amour et de son lien indéfectible.
Faisons un état des lieux des violences conjugales en France
Elles représentent 208 000 victimes déclarées par an.
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Violences physiques : 66 % des violences déclarées, 122 féminicides en 2021 ;
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Violences sexuelles : 4 % des violences déclarées, du harcèlement jusqu’au viol ;
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Violences verbales et psychologiques : 30 % des violences déclarées (menaces, harcèlement moral, atteintes à la vie privée, injures et diffamations).
Ajoutez à cela les violences économiques, plus difficiles à identifier, mais tout autant douloureuses. Elles concernent 20 % des femmes qui appellent le 3919 (numéro d’appel pour les femmes victimes de violences conjugales), et s’ajoutent aux autres violences déjà identifiées :
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Mainmise du mari sur les finances et leur contrôle ;
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Privation de ressources qui placent la femme en situation de dépendance ;
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Mise en danger des ressources du foyer par le surendettement ;
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Non-paiement des pensions alimentaires, ou fausses déclarations du patrimoine ou des revenus pour réduire le montant de ces pensions.
Les services de l’État qui enquêtent sur les violences faites aux femmes estiment que moins d’une femme sur quatre signale les abus dont elle est victime. Ils estiment donc le nombre annuel de victimes potentielles à environ un million de femmes !
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Cela représente une femme sur vingt ;
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Certains analystes avancent même un risque pour une femme sur cinq ;
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Cette statistique est à rapprocher de celle concernant les violences sexuelles faites aux enfants, estimées en France à un enfant sur dix !
Pour comprendre comment la situation est arrivée à ce niveau en France, nous devons regarder le contexte historique et social de la place des femmes dans notre pays. Les droits des femmes sont extrêmement tardifs en France, par rapport aux pays anglo-saxons par exemple.
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En 1791, Olympe de Gouges, célèbre montalbanaise, publie la Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne. Elle sera guillotinée en 1793.
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En 1804, le code civil de Napoléon définit que la femme doit obéissance à son mari. Il y est aussi interdit le port du pantalon pour les femmes… Cette disposition du code civil ne sera annulée que le 31 janvier 2013 !
La Bible est plus progressiste que cela :
« Femmes, soyez soumises à vos maris, comme il convient dans le Seigneur. Maris, aimez vos femmes, et ne vous aigrissez pas contre elles. Enfants, obéissez en toutes choses à vos parents, car cela est agréable dans le Seigneur. » (Colossiens 3/18-20)
Ici, il est question de respect et d‘amour dans le couple, pas d’obéissance.
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En 1945, les femmes françaises obtiennent le droit de vote ;
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En 1946, l’égalité entre femmes et hommes est inscrite dans le préambule de la Constitution ;
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En 1965, les femmes ont le droit d’avoir un chéquier, de gérer leurs biens et d’exercer une activité professionnelle sans le consentement de leur mari ;
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En 1970, le code civil reconnaît que l’autorité parentale est conjointe, et ne repose plus sur la « seule puissance paternelle » (sic) ;
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En 1972, la loi pose le principe de l’égalité des rémunérations entre les hommes et les femmes (ce principe ne semble toujours pas acquis dans bien des professions) ;
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En 1990, la Cour de cassation reconnait pour la première fois le viol entre époux ;
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Il faut attendre 2019 pour qu’une véritable politique de lutte contre les violences faites aux femmes soit engagée avec des moyens.
Les violences conjugales dans nos églises
« On entend dire partout qu’il y a de l’immoralité parmi vous, et une immoralité telle qu’il ne s’en rencontre même pas chez les païens… » (1 Corinthiens 5/1 ; version du Semeur)
Plusieurs études sont parues en France (Muriel SELON a écrit un livre intitulé Les violences conjugales dans les églises évangéliques), mais aussi en Angleterre et au Canada.
Les résultats sont malheureusement comparables : une femme sur trois dans nos églises déclare faire ou avoir fait l’objet de violences conjugales. Cela ne signifie pas que tous les couples en difficultés dans nos églises (et Dieu sait à quel point ils sont nombreux) sont le théâtre de violences conjugales ; mais a contrario, tous les couples où la violence s’exprime, qu’elle soit physique, sexuelle, verbale ou autre, sont en grande souffrance et ont besoin d’aide.
Comment expliquer une situation à ce point dégradée ? Il y a trois explications majeures :
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La mauvaise compréhension de la soumission
Être soumis ne veut pas dire que l’on accepte la maltraitance. Le modèle qui nous est proposé est la soumission au Christ. Non seulement il ne maltraite jamais son épouse (l’Église) mais il a donné sa vie pour elle.
La soumission n’excuse aucun des actes que nous avons décrits, elle est juste une forme de respect en conséquence de l’amour qui doit unir un couple.
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Un usage impropre du pardon
« Il faut pardonner, ma sœur », est une phrase inacceptable et manipulatoire en l’état pour une personne qui a subi des violences de la part de son conjoint qui devait au contraire aimer et protéger. Je ne dis pas que le processus de guérison n’amènera pas la victime à pleinement pardonner, mais cela n’empêche pas que la justice passe à chaque fois que cela est justifié.
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L’excuse du mauvais témoignage
« Ne porte pas plainte, cela va rendre un mauvais témoignage… » Là encore, c’est un propos inacceptable. Je vous invite à méditer Luc 12/3 :
« C’est pourquoi tout ce que vous aurez dit dans les ténèbres sera entendu dans la lumière, et ce que vous aurez dit à l’oreille dans les chambres sera prêché sur les toits. »
Tout finit par se savoir, et le témoignage est bon quand la vérité est dite.
En réalité c’est le conjoint maltraitant qui a rompu l’alliance du mariage. Le conjoint maltraité qui demande le divorce ne fait que prendre acte de la rupture de l’alliance prononcée par la violence du conjoint maltraitant.
Nous avons à veiller, à observer les signaux faibles, à les partager avec les responsables de nos communautés, et si cela ne suffit pas, à appeler le 3919, à nous repentir pour ces situations au milieu de nous, et prier pour qu’elles puissent se régler spirituellement pour la gloire de Dieu.
Pour approfondir le sujet
Je vous renvoie au couple Nabal-Abigaïl (1 Samuel 25).
Je frémis quand je lis certains textes qui malheureusement font écho à des situations entendues :
« Au milieu de toi, on découvre la nudité du père ; au milieu de toi, on fait violence à la femme pendant son impureté. Au milieu de toi, chacun se livre à des abominations avec la femme de son prochain, chacun se souille par l’inceste avec sa belle-fille, chacun déshonore sa sœur, fille de son père. » (Ézéchiel 22/10-11)
Enfin pour mieux terminer, je vous invite à lire Proverbes 31/10-31. Si cet homme a trouvé une femme vertueuse, sans doute est-ce parce qu’il est un homme vertueux, qui lui fait confiance, qui est fier d’elle et qui éduque ses enfants dans le respect admiratif de leur mère.
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