Mon appel pour la Mission
Par Nicolas TESSIER, pasteur à Cherbourg
Je suis marié à Mélanie depuis 16 ans et nous avons 3 enfants. Cela fait presque dix ans que nous sommes à plein temps dans le ministère, dont bientôt huit à Cherbourg en Normandie.
Mon cœur pour la Mission s’est forgé alors que je n’étais qu’un enfant, à l’école du dimanche. À cette époque, ma famille faisait partie de l’AdD de Tours. Nicole Froger, qui était missionnaire au Burkina Faso, venait rendre visite à sa maman, membre de notre Église, plusieurs semaines par an. Elle exposait son travail, avec des témoignages, des photos et des vidéos. À l’école du dimanche, elle nous apprenait des chants africains, puis elle nous expliquait tout son travail missionnaire. Enfin, les offrandes des enfants étaient envoyées tous les ans pour la soutenir dans son travail missionnaire.
Et moi, qui étais un enfant, j’ai grandi avec ce cœur rempli d’amour pour la mission et plus particulièrement pour le continent africain.
Plus tard, j’ai changé de région et d’église. Je me suis converti et fait baptiser à l’âge de 16 ans, à Toulouse Saint-Agne. Et là, j’ai eu l’occasion de côtoyer de près monsieur et madame Bordeneuve, missionnaires au Niger, et qui étaient soutenus financièrement par notre Église. Régulièrement, ils venaient nous visiter et nous rendre compte de leur travail sur place.
Nous avions également le privilège d’avoir dans notre assemblée monsieur Jean Ollé et son épouse, anciens missionnaires.
En 2007, je devais partir avec une équipe de jeunes de l’Église, pour une mission de trois semaines au Niger, en soutien au couple Bordeneuve, pour nous occuper des enfants de la rue et leur partager l’Évangile de Christ. J’étais tellement enthousiaste à l’idée de participer à ce séjour missionnaire, moi dont le cœur brûlait pour la mission !
Malheureusement, suite à un imprévu sur le terrain, la mission a été décalée de quelques mois, mais c’était alors la période de mes partiels à la faculté, et je n’ai donc pas pu les accompagner. J’étais vraiment déçu. Lorsque mes amis sont revenus de leur séjour et qu’ils ont fait un compte-rendu à l’église, mon cœur était attristé parce que je n’avais pas pu y participer, et en même temps j’étais dans la joie parce que je comprenais, ce soir-là, que c’est là, en mission, que Dieu me voulait.
J’ai immédiatement pensé que je quitterais la France pour habiter en Afrique ; que ce soit au travers de mon travail, puisque je commençais tout juste en tant que professeur, m’imaginant que je pourrais par la suite demander une mutation vers un pays d’Afrique ; ou que ce soit en tant que missionnaire, puisque l’appel de Dieu sur ma vie pour entrer dans le ministère avait déjà retenti dans mon cœur.
Une chose est sûre, j’ai tout remis entre les mains de Dieu. Je lui ai promis de continuer mon travail jusqu’à ce qu’il décide de m’envoyer là où il voudrait. Sachant que dans mon cœur bien sûr, je pensais à l’Afrique.
Le temps passant, je me suis marié, je suis arrivé à Elbeuf en Normandie, et régulièrement j’étais à l’écoute, presqu’à l’affût d’un signe, d’une direction de la part de Dieu, que ce soit dans mon travail ou dans l’église.
En 2015, Dieu nous a appelés, mon épouse et moi, à entrer en formation pastorale. J’ai alors démissionné de l’éducation nationale. Nous sommes arrivés à Cherbourg en 2017 pour prendre la responsabilité de l’assemblée. Et durant toutes ces années, mon cœur était davantage encore à l’affût de la moindre piste. J’ai failli faire un séjour à Mayotte, grâce à des relations personnelles, pour aller prêcher l’Évangile dans des ghettos de l’île, mais le Seigneur ne l’a jamais permis. Je savais que ce n’était pas le diable qui mettait « des bâtons dans les roues », mais bien le Saint-Esprit qui m’en empêchait.
J’ai très souvent prié, cherché la volonté de Dieu pour ce sujet précisément, mais rien. Tout ce que j’entreprenais n’aboutissait pas.
Pendant ce temps-là, mon cœur continuait de bouillir pour la mission, et en même temps l’incompréhension, les doutes, les blessures mêmes, prenaient de plus en plus de place en moi. C’était tellement dur d’avoir le feu qui brûle dans le cœur, le fardeau qui consume, sans pouvoir accomplir l’appel reçu.
Souvent j’ai évoqué au Seigneur mon incompréhension, ma douleur, et le doute qui m’envahissaient, allant jusqu’à croire que je m’étais trompé toutes ces années, et que, peut-être, le Seigneur était en train de me montrer par son silence, qu’il ne m’avait jamais appelé pour la Mission.
Bien entendu, pour moi, la mission c’était comme Nicole Froger, le couple Bordeneuve, ou tous les autres missionnaires que je connaissais c’est-à-dire quitter la France avec femme et enfants, pour aller s’installer ailleurs, quelque part en Afrique.
Mais Dieu n’a jamais ouvert cette porte-ci, en tout cas pas encore !
Finalement, au séminaire de Montluçon, en octobre 2023, je me sentais vraiment mal par rapport à ce sujet précisément. J’étais en train de faire mon deuil de la mission, voyant bien que rien n’aboutissait et que le Seigneur n’ouvrait aucune porte pour que ma famille et moi puissions partir. Mes insistances n’aboutissaient qu’à des portes fermées par Dieu, et qu’à des désaccords sur le sujet dans mon foyer. C’est pour cela que le dernier jour du séminaire, j’ai adressé cette « dernière prière à Dieu », comme pour clôturer ce chapitre de ma vie, qui avait duré si longtemps, et qui, finalement, ne m’avait apporté qu’incompréhension, frustration et blessures : « Seigneur, si je me suis trompé sur la Mission, si cela vient de ma chair et non de toi, alors je crucifie ce projet, et toi enlève ce fardeau qui brûle dans mon cœur. Que seule ta volonté soit faite. Amen. »
Après quoi, je suis rentré chez moi, sans y repenser.
Deux jours après cette prière, il y avait un rassemblement des jeunes de Normandie (MOOV Normandie) et le pasteur Philippe Dugard était invité pour la journée. J’ai accompagné les jeunes de Cherbourg ; ne connaissant pas le frère Philippe, ni son parcours, ni ses activités. Mais je peux dire aujourd’hui avec certitude que le Seigneur avait de loin organisé notre rencontre.
Lorsque Philippe a prêché aux jeunes le matin, à un moment donné il s’est mis à parler de ses missions en Afrique depuis presque 20 ans. Il n’a jamais déménagé, mais Dieu a ouvert la porte, années après années, pour des voyages missionnaires, puis des invitations d’Églises en Afrique. Plus il parlait, plus mon cœur était remué, et plus ce feu que j’avais voulu éteindre, crucifier dans cette « dernière prière à Dieu », était en train de se raviver davantage encore !
Durant le repas, j’ai osé parler à Philippe de tout mon cheminement jusqu’à ce jour-là, où le Seigneur était en train de l’utiliser pour parler à mon cœur.
Toutes les connexions que j’avais moi-même cherché à établir dans le passé n’avaient pas abouti, et là, cette rencontre improbable et imprévue avec ce pasteur, deux jours seulement après ma prière à Montluçon, ressemblait à un rendez-vous divin. Philippe m’a alors raconté comment Dieu avait tout conduit pour lui concernant la mission, ses voyages missionnaires, ses séjours à court terme une ou deux fois par an, depuis de nombreuses années, et cela éveillait en moi une nouvelle approche de la mission. C’est comme si Dieu était en train d’ouvrir mes yeux sur un autre aspect méconnu de la Mission : les séjours à court terme. Mon cœur était très réceptif à nos échanges, parce que je sentais bien que le Seigneur me parlait au travers de son serviteur.
Ce dernier a conclu, en me regardant droit dans les yeux : « J’ai hâte de voir ce que le Seigneur va faire avec toi. » Rien de plus. Aucune proposition à la fin de notre conversation. Toutefois je suis rentré chez moi avec le cœur léger, parce que Dieu m’avait parlé de façon précise. Cela faisait tellement longtemps que j’attendais une réponse, un signe, et ce jour-là le Saint-Esprit venait de confirmer mon appel pour la Mission, lui donnant un sens nouveau.
Dès le lendemain, je recevais un message de Philippe : son association missionnaire, créée il y a quelques années, organisait un séjour missionnaire au Congo RDC dans tout juste un mois, avec l’association Eléos International Mission. J’étais très intéressé, mais en même temps tellement déçu par le passé, que je n’arrivais pas à y croire. De plus, je n’avais pas de passeport, et je savais que ce serait quasiment impossible d’en faire un aussi rapidement, en plus du visa…
J’ai alors fait cette nouvelle prière, rappelant à Dieu tout ce que j’avais vécu la veille, la façon dont la connexion entre Philippe et moi s’était faite. Et je disais au Seigneur que si cette porte s’ouvrait, alors je saurais que c’était lui qui mettait son sceau divin sur ce séjour, mais aussi sur mon appel missionnaire.
Après de nombreuses péripéties j’ai finalement obtenu mon passeport, puis mon visa, à temps pour partir en République Démocratique du Congo fin novembre 2023. Mon passeport en mains, j’ai reçu une réponse de Dieu dans mon esprit : « L’obtention du passeport, c’est la porte ouverte à ton entrée en Mission. »
En RDC, je me suis senti comme à la maison, comme si c’était là que j’aurais dû être depuis si longtemps. C’était difficile, mais, par la grâce de Dieu, nous avons eu le privilège de rencontrer des Églises toutes jeunes dans la foi et d’aller dans des villages éloignés pour prêcher l’Évangile aux petits comme aux grands, que ce soit par la prédication ou par des actions sociales. Dieu nous a permis durant ce séjour d’implanter trois nouvelles Églises dans les villages que nous avons visités et de fortifier la foi de centaines de chrétiens nouvellement convertis.
Nous sommes venus en soutien à un missionnaire sur place, qui travaille auprès du peuple Pygmée depuis plusieurs années. Durant tout notre séjour, j’ai vu combien lui et son épouse avaient été encouragés par notre présence, ainsi que tous les frères et sœurs qui œuvrent avec lui pour propager l’Évangile dans une terre si difficile. Et j’ai reçu dans mon esprit ce verset que je serre depuis dans mon cœur : « De Rome vinrent à notre rencontre […] les frères qui avaient entendu parler de nous. Paul en les voyant, rendit grâces à Dieu, et prit courage. » (Actes 28/15).
Ma mission au sein de la grande Mission sera peut-être celle d’encourager, par ma présence et mon aide ponctuelle, des missionnaires qui ont tout quitté pour vivre avec leur famille dans un pays étranger.
Que seule la volonté de Dieu s’accomplisse !
Quelques semaines après mon retour du Congo, une invitation des Assemblées de Dieu du Burkina Faso m’a été adressée, sans connexion avec qui que ce soit. Des fidèles ont visionné des cultes de l’église de Cherbourg sur notre chaine Youtube et m’ont invité pour deux semaines d’enseignement sur le thème du combat spirituel et l’armure spirituelle du chrétien.
J’ai logé durant cette mission à la station missionnaire des AdD de France à Ouagadougou, là où avait travaillé dans le passé notre chère sœur Nicole Froger. Le Seigneur m’a fait la grâce de voir de mes yeux ce qu’elle nous racontait des années auparavant, lorsque je n’étais qu’un enfant.
Avec beaucoup d’émotion, j’ai béni le Seigneur pour sa grande fidélité à mon égard. J’ai également eu l’occasion de rencontrer les missionnaires en place, monsieur et madame Traoré, et d’évoquer avec eux le travail effectué depuis tant d’années.
Le Seigneur est souverain et il conduit nos vies comme bon lui semble. J’ai compris que lorsqu’il nous appelle, il nous équipe et nous façonne avant de nous envoyer. Nous sommes l’argile entre les mains du divin potier. Dieu dirige les connexions pour que nous soyons là où il veut.
S’il veut m’utiliser pour bénir et fortifier quelques missionnaires, que sa volonté soit faite et que sa grâce m’en rende capable. Que ce soit sous l’égide de l’Action Missionnaire de notre mouvement des AdD de France, ou avec l’association Eléos International Mission, ou encore par un autre moyen. Dieu n’est limité en rien.
À lui soit la gloire pour la moisson des âmes et pour l’édification de son Église !
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