Comment gérer le changement dans l’Eglise ?
par Laurent BOSHI
La question se pose d’autant plus que nous vivons une période d’accélération sans précédent marquée de toutes sortes de changements dans la société.
Nous devons ouvertement résister à certains changements parce qu’ils s’opposent à la Parole de Dieu.
D’autres sont neutres au niveau spirituel : ce sera juste une question de culture à laquelle il faut s’adapter comme de bons missionnaires pour servir l’Evangile plus efficacement.
D’autres changements encore peuvent être une exigence de justice : ils nous font être plus cohérents avec Dieu et avec la vérité comme lors de la Réforme, chère aux protestants que nous sommes aussi.
Je cadre mon sujet en précisant que je ne réponds pas ici à la question de savoir quels changements sont légitimes et quels sont ceux auxquels il faut résister. Cette question est évidemment cruciale mais ce n’est pas mon sujet dans cet article.
Ma question est juste : comment gérer les changements nécessaires ?
J’y répondrai en prenant l’exemple, dans le Nouveau Testament, du passage réussi d’une Eglise juive à 100%, cantonnée à Israël et sans vision missionnaire à une Eglise qui déploie ses ailes pour conquérir le monde, ce qui fait qu’elle est aujourd’hui implantée sur les cinq continents. Ce changement-là est à mes yeux un vrai cas d’école.
Le changement réussi de la première Eglise en une Eglise missionnaire et universelle
Ce fut comme un virage régulier et progressif dans une bretelle d’autoroute ; ça fait moins d’embouteillages qu’un demi-tour et on arrive au même résultat sans accident… C’est ainsi que le Saint-Esprit a conduit progressivement les témoins et les apôtres de la première Église dans une sorte de virage progressif mais définitif d’une Église 100% juive à Jérusalem à une Église internationale : l’Église d’aujourd’hui, faite d’hommes et de femmes de tous pays et de toutes races.
Suivons ensemble le changement et les points d’étapes sur le parcours
D’abord, Jésus dit les choses en Actes 1.8 :
Vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée, dans la Samarie et jusqu’aux extrémités de la terre.)
… même si les disciples sont encore incapables d’en saisir toute la portée. C’est important de « dire les choses » et même de les répéter à plusieurs reprises :
Allez, faites de toutes les nations des disciples (Mt 28.19)
quand elles sont nouvelles comme ici, tant l’idée de l’intégration des non-Juifs au peuple de Dieu était un changement immense pour la mentalité des disciples. Ceci dit, et là je cadre aussi mon enseignement, si c’était nouveau à leurs yeux, c’était écrit comme le dit Jésus ressuscité :
Il était écrit que (…) la repentance et le pardon des péchés seraient prêchés en son nom à toutes les nations, à commencer par Jérusalem. (Luc 24. 46-47)
Plus tard, par la pression des circonstances, Dieu pousse à un rééquilibrage en faveur des Hellénistes, c’est-à-dire des Juifs de culture grecque (Actes 6).
Ensuite, à cause de la persécution, il conduit Philippe, suivi de deux apôtres en Samarie (Actes 8) : on s’éloigne encore un peu plus de ce que j’appelle une judaïté étroite…
Après cela, l’Esprit enclenche la vitesse supérieure avec la visite historique de Pierre à Césarée (Actes 10 et 11), puis la fondation d’une Église résolument tournée aussi vers les non-Juifs à Antioche. Et, à partir de cette Église déjà située hors du sol d’Israël, l’envoi en mission décisif de Paul et Barnabas vers les païens :
Envoyés par le Saint-Esprit, Barnabas et Saul descendirent à Séleucie, d’où ils embarquèrent pour l’île de Chypre (Ac 13.2).
Enfin, la « conférence » de Jérusalem (Actes 15) en 48 ou 49 après Jésus-Christ, entérinera l’entrée directe des non-Juifs dans le peuple de Dieu sur la base des prophéties de l’ancienne alliance. C’était cela l’essentiel, moyennant une mesure de modération demandée aux païens convertis pour ne pas choquer les Juifs dans cette période charnière.
C’est ainsi que ce changement monumental et historique, d’une religion exclusivement juive à une foi mondiale, a pu se faire en une génération, ne laissant de côté que les « judaïsants » les plus fanatiques, qui se sont d’ailleurs révélés rapidement des faux-frères.
Mes amis, sans cette mutation, les disciples de Jésus ne seraient restés qu’un groupuscule juif dans le genre des obscurs esséniens du 1er siècle et la foi chrétienne serait peut-être même morte depuis… Mais le résultat de ce changement bien mené est qu’aujourd’hui, le christianisme est la seule foi à s’être adaptée à toutes les cultures et à avoir véritablement percé sur tous les continents.
Comment ce changement historique, radical et décisif s’est-il opéré ?
Dieu l’a sagement mené comme un virage doux et maîtrisé mais aussi intentionnel et définitif. Ce fut comme le champ de vision du conducteur d’un véhicule qui change, des montagnes à la mer, de manière progressive mais définitive lors d’un grand virage régulier : le « paysage » des Actes a changé de manière progressive mais définitive par la pédagogie intelligente du Saint-Esprit.
C’est ainsi qu’il faut savoir négocier les virages. La meilleure manière de faire se trouve dans les réformes courageuses mais raisonnables.
Raymond Aron écrit :
“Une réforme accomplie change quelque chose. Une révolution semble susceptible de tout changer, puisque l’on ignore ce qu’elle changera. Pour l’intellectuel qui cherche (…) un objet de foi ou un thème de spéculation, la réforme est ennuyeuse et la révolution excitante : l’une est prosaïque, l’autre est poétique, l’une passe pour l’œuvre des fonctionnaires et l’autre du peuple dressé contre les exploiteurs…”
Mes amis, il a raison sur la méthode : un virage maîtrisé fait souvent mieux bouger les lignes que renverser la table.
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